Lors d'un projet immobilier impliquant la construction ou la rénovation d'un bien, la période précédant l'achèvement des travaux génère des frais financiers spécifiques souvent méconnus des emprunteurs. Ces frais bancaires, versés avant le début du remboursement classique du prêt immobilier, représentent une charge qu'il convient de bien comprendre pour optimiser sa gestion financière et sa déclaration fiscale. Maîtriser les règles applicables selon la destination du bien et les modalités déclaratives permet d'anticiper l'impact budgétaire de cette phase transitoire.
Comprendre le mécanisme des intérêts intercalaires dans un projet immobilier
Définition et période d'application des intérêts intercalaires
Les intérêts intercalaires correspondent aux frais bancaires payés entre le moment où les fonds du prêt immobilier sont débloqués progressivement et le début du remboursement effectif du crédit. Cette période s'étend généralement de la signature de l'acte authentique jusqu'à la livraison du bien, soit approximativement entre 12 et 24 mois. Durant cette phase de construction, l'établissement prêteur libère le capital emprunté au fur et à mesure de l'avancement des travaux, selon un calendrier précis appelé appels de fonds. Le calcul de ces intérêts se base sur les montants effectivement débloqués à chaque étape. Par exemple, lors de la pose des fondations, environ 35 pour cent du prix est versé, puis 70 pour cent à la mise hors d'eau lorsque la toiture est posée, 95 pour cent à l'achèvement des travaux et enfin 100 pour cent lors de la remise des clés. Chaque versement génère des intérêts calculés sur la somme débloquée jusqu'à ce que le bien soit livré et que le remboursement classique du prêt commence.
Différence entre intérêts intercalaires et remboursement classique du prêt
Contrairement au remboursement classique d'un prêt immobilier où l'emprunteur rembourse simultanément le capital et les intérêts selon des mensualités constantes, la phase d'intérêts intercalaires ne concerne que le paiement des intérêts bancaires. Aucun remboursement du capital emprunté n'intervient pendant cette période. Pour illustrer concrètement, prenons l'exemple d'un prêt de 300 000 euros à un taux de 1,20 pour cent. Si la banque débloque 35 pour cent du montant emprunté, soit 105 000 euros, les intérêts intercalaires mensuels s'élèvent à 105 euros. Ces montants modestes en apparence s'accumulent néanmoins sur plusieurs mois et peuvent représenter une charge budgétaire significative. Certains emprunteurs optent pour une franchise totale qui reporte le paiement de ces intérêts à une date ultérieure, mais cette solution augmente le coût total du crédit puisque les intérêts non payés s'ajoutent au capital restant dû et génèrent eux-mêmes des intérêts supplémentaires.
Règles fiscales applicables selon le type de bien immobilier
Déduction possible pour un bien destiné à la location
Lorsque le bien immobilier est acquis dans le cadre d'un investissement locatif, les intérêts intercalaires constituent une charge déductible des revenus fonciers. Cette déductibilité s'applique même si le logement n'est pas encore effectivement loué au moment du paiement des intérêts, dès lors que l'intention de mise en location est établie. Les propriétaires peuvent ainsi déduire ces montants de leurs revenus fonciers imposables, ce qui réduit mécaniquement l'assiette fiscale et donc le montant de l'impôt sur le revenu. Un avantage supplémentaire réside dans la possibilité de reporter ces charges déductibles sur une période de dix ans si les revenus fonciers de l'année en cours ne suffisent pas à absorber l'intégralité de la déduction. Cette règle s'avère particulièrement avantageuse pour les investisseurs qui réalisent une opération dans le cadre du dispositif Pinel ou d'autres mécanismes de défiscalisation immobilière. La déduction des intérêts intercalaires vient s'ajouter aux autres charges déductibles comme l'assurance du prêt, la taxe foncière ou les frais de gestion, permettant une optimisation fiscale globale de l'investissement.
Limitations pour une résidence principale et exceptions
Pour une résidence principale, les règles fiscales diffèrent sensiblement puisque la déduction des intérêts intercalaires n'est généralement pas autorisée. L'administration fiscale considère que les charges liées à la résidence principale ne constituent pas des dépenses professionnelles ou génératrices de revenus, contrairement à un bien destiné à la location. Toutefois, certains dispositifs fiscaux anciens ou spécifiques peuvent exceptionnellement permettre une forme de déduction ou de crédit d'impôt. Les prêts aidés comme le Prêt à Taux Zéro peuvent modifier la structure du financement et l'impact des intérêts intercalaires sur le budget global. Par exemple, un couple éligible au PTZ avec un revenu fiscal de référence de 35 000 euros peut bénéficier d'un prêt complémentaire à taux zéro qui réduit la part d'intérêts à payer sur la durée totale du crédit. Il est recommandé de consulter son centre des impôts ou un conseiller fiscal pour vérifier l'existence éventuelle de dérogations applicables à sa situation personnelle, notamment dans le cadre de dispositifs spécifiques d'aide à l'accession à la propriété.
Modalités pratiques de déclaration aux impôts

Procédure de déclaration sur le formulaire 2044 pour les revenus fonciers
La déclaration des intérêts intercalaires pour un investissement locatif s'effectue via le formulaire 2044, qui recense l'ensemble des revenus fonciers et des charges déductibles. Cette déclaration doit être réalisée l'année de la livraison effective du bien immobilier, même si les intérêts ont été payés durant les mois ou années précédentes. Sur ce formulaire, les intérêts intercalaires sont à inscrire dans la section dédiée aux intérêts d'emprunt. Pour les investissements réalisés dans le cadre du dispositif Pinel, il convient également de remplir les formulaires 2042 RICI et 2044-EB qui permettent de déclarer la réduction d'impôt associée et de préciser les caractéristiques du bien. La case spécifique 5 LN est destinée aux projets en VEFA ou relevant du dispositif Pinel. Les dates limites de déclaration varient selon les départements et le mode de déclaration choisi. Pour l'année 2024, les déclarations en ligne devaient être effectuées entre le 23 mai et le 6 juin selon les zones géographiques, tandis que les déclarations papier devaient parvenir à l'administration avant le 20 mai. Le respect de ces échéances conditionne la prise en compte des déductions et évite les pénalités de retard.
Documents justificatifs à conserver pour votre déclaration
La constitution d'un dossier complet de justificatifs constitue une étape essentielle pour sécuriser sa déclaration fiscale et pouvoir répondre à d'éventuelles demandes de l'administration. Les documents à conserver incluent le contrat de prêt immobilier qui précise les conditions de déblocage des fonds et le taux d'intérêt applicable, les relevés de compte bancaire détaillant les versements effectués au titre des intérêts intercalaires, les factures et attestations relatives à l'avancement des travaux qui justifient les appels de fonds successifs, ainsi que les quittances de loyer une fois le bien mis en location. Pour les investissements en dispositif Pinel, il faut également conserver l'acte authentique d'acquisition, les documents attestant de la conformité du bien aux normes énergétiques et acoustiques exigées, ainsi que le bail de location. La banque fournit généralement un tableau d'amortissement du prêt mentionnant le détail des intérêts versés chaque année, document particulièrement utile pour remplir correctement la déclaration. Ces justificatifs doivent être conservés pendant au moins trois ans après la déclaration correspondante, délai durant lequel l'administration fiscale peut effectuer un contrôle.
Calcul et optimisation du montant des intérêts intercalaires
Éléments de calcul : taux, déblocage progressif et assurance emprunteur
Le calcul des intérêts intercalaires repose sur plusieurs paramètres que l'emprunteur doit maîtriser pour anticiper le coût global de cette phase transitoire. Le taux d'intérêt du prêt immobilier constitue le premier élément déterminant. Ce taux, actuellement situé autour de 1,20 pour cent pour certains emprunteurs bénéficiant de conditions favorables, s'applique uniquement aux montants effectivement débloqués. Le calendrier de déblocage progressif des fonds joue également un rôle majeur puisque chaque nouvelle tranche versée génère des intérêts supplémentaires. Plus la construction avance rapidement, plus courte sera la période totale d'intérêts intercalaires. L'assurance emprunteur peut également impacter le montant global des charges mensuelles durant cette période, même si techniquement elle ne fait pas partie des intérêts intercalaires stricto sensu. Pour minimiser ces coûts, il est recommandé de négocier le taux avec la banque en amont, de limiter les versements anticipés non nécessaires et de suivre attentivement l'avancement des travaux pour éviter les retards qui prolongeraient la période d'intérêts intercalaires.
Exemple chiffré et impact sur votre budget pendant la construction
Prenons l'exemple concret de Marc qui investit via le dispositif Pinel dans un appartement de deux pièces en VEFA à Rennes. Il emprunte 215 000 euros à un taux de 4 pour cent sur 25 ans. Pendant la phase de construction qui dure 18 mois, les fonds sont débloqués progressivement. Lors du premier appel de fonds correspondant à 5 pour cent du prix à la réservation, soit 10 750 euros, les intérêts intercalaires mensuels s'élèvent à environ 35 euros. Lors du deuxième appel de 30 pour cent aux fondations, soit 64 500 euros au total, les intérêts mensuels passent à 215 euros. Au troisième appel de 35 pour cent à la mise hors d'eau, soit 139 750 euros cumulés, les intérêts atteignent 465 euros par mois. Dans un autre exemple portant sur un investissement de 200 000 euros avec un prêt de 150 000 euros à 1,35 pour cent sur 18 mois, le montant total des intérêts intercalaires peut atteindre 2 820,5 euros. Ces montants représentent une charge mensuelle variable qu'il faut intégrer dans son budget durant toute la période de construction, en complément des éventuels loyers encore versés sur son logement actuel. Une simulation financière précise permet d'anticiper ces dépenses et d'éviter les mauvaises surprises budgétaires.







