Depuis février 2025, les cigarettes électroniques jetables, connues sous le nom de « puffs », sont interdites en France. Le gouvernement compte désormais étendre cette mesure aux sachets de nicotine, appelés « pouches », dans une volonté affichée de protéger la jeunesse et de préserver l’environnement. Ces décisions, bien que motivées par des préoccupations de santé publique, suscitent de nombreuses interrogations sur leur efficacité réelle et les effets de bord qu’elles pourraient entraîner, notamment le fait d’avantager les cigarettiers.
Alors qu’ils ont longtemps été considérés comme des outils de réduction des risques, les puffs et les pouches se sont imposés ces dernières années comme des alternatives au tabac fumé. Contrairement à une idée reçue, plusieurs études, dont celles de l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT), montrent que ces dispositifs sont majoritairement utilisés par des fumeurs adultes, dans une logique de sevrage, plutôt que par des adolescents novices. Bien qu’ils contiennent de la nicotine, ils contribuent dans bien des cas à diminuer la consommation de cigarettes classiques, beaucoup plus nocives.
En interdisant ces produits, le gouvernement retire ainsi à de nombreux fumeurs une option potentiellement moins dangereuse. Cette décision est autant plus critiquée qu’elle intervient dans un contexte de stagnation de la lutte antitabac à l’échelle natiolane. Malgré des hausses régulières du prix du paquet – désormais fixé à 12,50 € – la proportion de fumeurs quotidiens en France reste stable, à environ 31 %, selon les chiffres de Santé Publique France.
Ce virage réglementaire semble aussi jouer en faveur des grands industriels du tabac. Ces derniers continuent de générer des revenus colossaux à l’échelle mondiale, tandis que le marché français du tabac reste l’un des plus importants d’Europe, avec plus de 20 milliards d’euros de chiffre d’affaires par an. Parallèlement, les 23 000 buralistes français, qui disposent d’un monopole sur la vente de tabac, bénéficient depuis plus de vingt ans de soutiens publics massifs (4 milliards d’euros au total).
Le bannissement des puffs, et l’éventuelle interdiction des pouches, risque également d’alimenter un marché noir en plein essor. En l’absence de produits alternatifs disponibles légalement, de nombreux consommateurs se tournent déjà vers des circuits illégaux. En 2024, les douanes françaises ont saisi 489 tonnes de tabac de contrebande. Un chiffre important, qui ne donne cependant qu’un aperçu partiel d’un trafic difficile à contrôler.
À l’inverse de la France, certains pays européens ont opté pour une approche plus pragmatique. La Suède, par exemple, a misé sur la régulation des alternatives sans combustion. Résultat : la prévalence du tabagisme atteint presque 5% de la population adulte, plaçant le pays au seuil du statut d’État « sans fumée », une première en Europe.
Alors que le tabac cause près de 75 000 décès chaque année en France, la stratégie actuelle interroge. Nombre de spécialistes appellent désormais à un changement de cap : encadrer les produits alternatifs avec des normes strictes, en interdire l’accès aux mineurs, mais les intégrer dans une politique globale de réduction des risques. À défaut, l’interdiction pure et simple pourrait surtout profiter aux cigarettiers… et aux trafiquants.